lundi 7 septembre 2015

Strangers 7 - A.


Tu es beau.
Je t'observe par dessus le bol de thé que je tiens entre mes mains et je te trouve beau.
Tu es de profil et tu t'énerves en faisant la vaisselle. Il pleut dehors et les gouttes qui glissent sur la fenêtre dessinent de jolis motifs sur tes joues. Tu me racontes une discussion que tu as eue avec Brian la nuit dernière, au sujet d'un joueur de foot (ou bien de rugby ?). Brian n'y connait apparemment rien au foot (ou rugby) et il a tellement tort que tu es encore remonté huit heures après.
Tu ponctues ton plaidoyer d'un grand geste de la main et envoies voler de l'eau savonneuse un peu partout. De la mousse atterrit sur la vitre et commence à faire la course avec les gouttes de pluie.

Je me demande à quoi ressemblerait ma vie sans toi. Qui serions-nous si je n'avais pas pris l'avion il  y a quatre ans pour venir me changer les idées quelques jours en Irlande ? Si je n'étais pas entrée dans ce café miteux pour me mettre à l'abri du vent ? Si ton train pour Athlone n'avait pas été retardé ?
Qui serions-nous si nous étions restés deux inconnus ?

Tu tends distraitement la main vers moi et je te confie mon bol quasi vide. Il y reste un fond de sucre et tu esquisses un sourire en le submergeant dans l'évier. Je sucre toujours beaucoup trop mon thé et n'arrive jamais à boire la fin, trop écœurante. Tu continues ton récit de la soirée d'hier, sous-entendant que Sean n'a jamais dû avoir un ballon entre les mains (ah, du rugby donc) parce qu'il s'est rangé à l'avis de Brian, cet imbécile.
Je pose mon menton sur les mains jointes. Le tabouret sur lequel je suis assise est un peu instable mais je ne te l'ai jamais dit. C'est mon endroit préféré pour prendre le petit-déjeuner et te contempler.

Tu agites les mains au-dessus de l'évier qui se vide lentement. Tu les sèches sommairement avec un torchon que tu jettes sur le plan de travail. Tu souris à une blague que tu viens de faire (aux dépens de Brian, dont les oreilles doivent siffler).
Je me demande si les réalités parallèles existent vraiment.

Je me demande ce qu'il serait advenu de nous si le hasard n'avait pas aussi bien fait les choses.
Je ne peux pas m'empêcher de sourire aussi.
Mon dieu, je t'aime tellement.


[Je tente de remettre la main au clavier. Comme toujours, Strangers est ma série préférée pour reprendre doucement l'habitude d'écrire.
J'ai essayé d'infuser beaucoup de sentiments dans ce texte. J'espère que ça se ressentira. 
Des bisous.]

3 commentaires:

Jaja a dit…

Ninouche, tu l'avais peut-être compris avec mon fort constructif "<3" d'hier soir, j'ai adoré ce texte.
Ce n'est pas nouveau, j'adore ta façon d'écrire. Strangers m'avait manqué ; personne ne raconte mieux que toi les petites tranches de vie. Cette sensibilité, cette attention au détail, cette… immersion totale ? Savoir se glisser dans la tête d'un personnage est une chose -chose que tu réussis si bien-, mais savoir retranscrire tout ce que perçoivent les sens ? Ça, ce n'est pas donné à tout le monde.
"Tu ponctues ton plaidoyer d'un grand geste de la main et envoies voler de l'eau savonneuse un peu partout. De la mousse atterrit sur la vitre et commence à faire la course avec les gouttes de pluie." Ça peut paraître anecdotique, mais c'est exactement le genre de détails qui ont fait que, pendant quelques minutes, je n'avais pas juste l'impression de me trouver dans l'esprit de A., j'étais assise sur ce tabouret bancal, dans cette petite cuisine.
Tout est très subtil, jusque dans la façon dont tu écris les sentiments. L'amour que tu racontes n'a pas besoin de grandiloquence, il est vrai, du genre qui peut avoir tendance à se faire discret au quotidien mais qui arrive encore à prendre à la gorge après plusieurs années de vie commune.

Bref, maintenant c'est moi qui fais dans les grandes phrases, alors j'en reviens à mon sentiment de base : <3

Hélène a dit…

Oooouhh ! <3
Jolie petite parenthèse de vie, et d'amour, un moment tout simple que tu réussis à rendre beau, j'aime beaucoup ! :)

J'aime bien ces tranches de vies que tu croques, rapidement comme une peintre, un instant volé, un moment suspendu, des sentiments interceptés que tu arrives à épingler avec tes mots...

La simplicité dans l'amour, dans une relation, des banalités du quotidien qui deviennent de jolies choses...

A la fin de tous tes Strangers, j'ai la même réaction : je me dis que c'est trop court, que je me serais bien laissée porter encore un peu plus par ton texte, accompagné encore un peu tel personnage... et puis je change d'avis, non, c'est justement ce format court qui rend la rencontre avec les personnages intenses et belles...
C'est drôle sur ce texte, j'ai lu la scène en imaginant que A était un homme. J'ai relu le texte juste après m'être rendue compte de mon erreur, mon cerveau a zappé tous les "e" naturellement et je crois que j'aurais préféré ne pas savoir le genre de A ;)

Bref, j'aime bien la piste du hasard dans nos vies et des réalités parallèles, j'avais écrit une fanfiction sur ce sujet quand j'étais jeune ^^

Allez zouh, bonne reprise et à bientôt je l'espère !

Silver a dit…

Je rattrape tes textes et celui-ci est parfait à lire le matin avec, justement, une tasse de thé entre les mains. C'est un petit moment capturé parfaitement par la douceur de tes mots, un peu comme une peinture qui bouge dans Harry Potter (ou un gif). C'est beau.