[C'est parti pour un nouveau #Writweet !
Le principe est simple : ce texte est construit autour de 8 mots proposés par mes followers sur Twitter :) ]
"Papaaa ! Je veux la cigogne, la cigogne !
Poussant des cris stridents, Julie sautille à côté de moi en pointant du doigt une peluche plutôt moche. Le forain, derrière son comptoir, m'adresse un regard compatissant. Il doit la penser folle.
Ma fille adore les jouets bizarres, elle a dans sa chambre une collection hétéroclites de poupées flippantes, de figurines désarticulées et de peluches non-conventionnelles. Avec Julie, pas d'ourson tout doux ni de Barbie. Mais des baigneurs chauves à qui il manque un bras et une autruche en plastique baptisée "Onomatopée".
Avec un sourire indulgent, je tends mes coupons au forain qui me donne en échange la cigogne difforme. Julie me l'arrache presque des mains et m'annonce, extatique, qu'elle va l'appeler "Esperluette". La fascination de ma fille pour les termes de français obscurs m'inquiète un peu.
- C'est... très joli. Dis-moi, poussin, on fait quoi ensuite ?
- Le manèèège !
Julie détale à travers la foule, ses petites jambes ne lui permettant cependant pas de me semer. Ses couettes tressautent à chacun de ses pas et un de ses lacets est défait. Je bénis ces petits moments. Dans quelques heures, il faudra que je la ramène chez sa mère. Cette femme que j'ai tant aimé, que j'ai serré dans mes bras et embrassé fiévreusement, me toisera de toute sa hauteur, respirant la condescendance, et poussera Julie dans la maison sans même me saluer. Plus le temps passe, plus j'ai du mal à me rappeler des bons moments. Je sais pourtant qu'ils ont existé, mais ils ressemblent de plus en plus à ces rêves si réels qu'ils se confondent à nos souvenirs.
Je m'en souviens pourtant, des premiers temps. Des petits-déjeuners en terrasse et des soirées pizzas, de l'attraction incoercible et de la première étreinte, des portes-jarretelles qu'on raccroche au petit matin et des sourires en coin.
Et puis l'arrivée de Julie, la grande maison, la grosse voiture, les barbecues. Et cette femme que j'aimais tant mais qui en voulait toujours plus. Plus d'argent, plus de sorties, plus de vacances, ...
Mais surtout, moins de moi.
Moi qui, une fois la pension versée, ne gagnait même plus assez pour emmener ma fille dans un parc d'attractions. Moi qui me raccrochais à chaque instant passé avec elle, sachant qu'ils ne seraient que trop courts.
Les couettes au vent, Julie revient vers moi en courant et sautant en même temps, la tête de sa cigogne dépassant de son mini-sac à dos.
- Papa, papa ! Avant le manège on peut prendre une barbe à papa ? Y en a des bleues ! Des bleues, tu te rends compte ?"
Prenant sa petite main dans la mienne, je la laisse m'entraîner vers le stand, souriant.
Attraper chaque instant, et s'y accrocher. De toutes ses forces.
[Voilààà !
Merci à @FoxBlogBD, @KimberleyTossut, @LioF_, @Minoritweet, @Karibahut, @Jk_archd,
@Chalisbury et @White_fangs pour leurs mots !]
3 commentaires:
Je trouve le principe du writweet super sympa surtout quand on voit le résultat :)
Bravo !
Le père divorcé qui s'accroche aux quelques moments passés avec son enfant est quelque chose d'assez commun. Mais j'aime beaucoup ta manière de l'aborder. C'est à la fois touchant et doux (oui, doux parce que j'ai du mal à trouver le mot qui convient et qu'il est tard).
Sur un texte pourtant très court tu passe habilement d'un registre à l'autre, d'une description assez drôle de la petite fille à la nostalgie et la blessure de son père.
Très bien joué ! La prochaine fois, je ne manquerai pas d'envoyer ma petite contribution à l'exercice !
Désolée, ce n'est pas constructif, mais j'aime beaucoup!
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