Le fait est que je m'étais déjà posé la question: Et si nous étions cette génération?
Celle qui serait là pour voir la fin du monde arriver.
J'évitais de trop regarder les informations, sans pour autant pouvoir complètement me couper du monde. Les nouvelles du jour me déprimaient, trop minimisées à la télévision et trop exagérées sur internet, elles avaient pourtant toutes le même fond. Il se passait quelque chose d'anormal. Personne n'en parlait vraiment ouvertement, mais il y avait dans nos silences une tension palpable. Nous ne sommes au final que des animaux, même en tentant d'ignorer au mieux notre instinct nous sentions le changement dans l'air.
Mais, en tant qu'animaux "intelligents", nous avions choisi de passer outre notre bon sens. Ou peut-être avions nous seulement compris que rien n'aurait pu être fait pour changer la donne. Il était trop tard, la machine était lancée. Derrière chaque action, chaque mouvement, chaque décision, nous pouvions entendre les engrenages tourner. La fin était en route. Nous l'attendions patiemment.
Quand les signes étaient devenus trop évidents, j'avais cessé d'aller au travail. Accumuler de l'argent ne me servait plus à rien. J'avais assez pour tenir jusqu'à la fin. J'avais hésité à retourner chez mes parents, à la campagne. Mais mon père m'avait dit que j'étais mieux à Paris. Ils avaient été contraints d'abattre nos chiens, ils étaient devenus dangereux. Les deux basses-cours de mes voisins avaient aussi été achevées. Les volailles tentaient de s'entredévorer.
J'étais un peu embêtée à l'idée de finir mes jours seule. Mais, même en pleine apocalypse, le malheur des uns faisait le bonheur des autres. Ma sœur finit par venir vivre avec moi, son appartement ayant été dévalisé. Les voleurs n'avaient embarqué que de la nourriture et des vêtements.
Bien que n'étant plus seule à l'appart', je ne savais pas trop quoi faire de mes journées. Ma sœur passait le plus clair de son temps à lire ou à jouer à des jeux vidéo. Elle dormait aussi beaucoup, prenant des quantités assez inquiétantes de somnifères. Enfin, en temps normal je me serais inquiétée. Elle pouvait bien finir ses jours comme ça l'arrangeait.
Personnellement, j'étais dans l'excès inverse. Je dormais assez peu et ne cherchais pas à m'occuper quand j'étais éveillée. Je restais devant ma fenêtre et regardais la ville. Les rues étaient pour la plupart désertes. Les gens avaient commencé à devenir fous, ils erraient dans la ville en attaquant les passants. Dans les immeubles en face, d'autres visages étaient collés aux vitres. Le gouvernement avait émis plusieurs messages conseillant à la population d'éviter de sortir. Puis silence radio.
La majorité des chaînes de télévision avaient aussi été abandonnées et repassaient les mêmes clips en boucle. Certaines chaînes d'informations faisaient de la résistance, diffusant des images d'un monde sombrant dans la folie. Des villes mises à feu et à sang, des milliers de cadavres d'animaux pourrissant dans les rues et sur les plages, des stades remplis par plusieurs centaines de paroisses réunies pour implorer le ciel.
Devant ma fenêtre, une tasse de thé à la main, je pensais au futur. A celui, court et tragique, qui précèderait notre fin. A l'autre, idéalisé et avorté, qui aurait pu être si seulement...
Le premier était simple. Encore quelques semaines, peut-être quelques mois, et l'une de nous finirait par être touchée par le mal. L'autre aurait alors la lourde tâche de l'achever. Puis de mettre fin à ses propres jours, ou d'attendre que la folie vienne. Quand bien même la folie n'arriverait jamais, nous finirions par mourir de faim. Je gardais plusieurs boîtes de Xanax cachées dans un placard pour l'occasion. Pas question de crever de faim comme des rats pris au piège.
L'autre... je ne pouvais que l'imaginer. J'avais tout le temps nécessaire. Je notais tout ce à côté de quoi j'allais passer. Tomber amoureuse, trouver un bon travail, avoir des enfants. Leur apprendre des choses, les regarder grandir, vieillir. Sentir mon corps se courber sous le poids des années. Ressasser tous les bons et les moins bons souvenirs. Se dire que ça valait la peine d'être vécu. Puis mourir.
Cette fin du monde m'emmerdait parce qu'elle ne me laissait pas de choix.
Alors je laissais les choses se faire. A travers ma fenêtre, je regardais le monde disparaître.
[Je crois qu'il faut que j'arrête de lire les infos...
J'espère que le texte vous a plus et j'attends vos avis!
Et n'oubliez pas que la deadline pour Ghostwriters approche (déjà que moi je suis à la bourre...)]
Et n'oubliez pas que la deadline pour Ghostwriters approche (déjà que moi je suis à la bourre...)]
6 commentaires:
J'aime beaucoup l'attitude de la soeur face aux événements. On se l'imagine tout de suite, cet abandon au sommeil.
clap-clap
C'est un bon texte pour se motiver le matin, du coup. Quoique je n'irais pas faire des enfants ce matin déjà... ^^
J'aime. Je dirais même que j'aime beaucoup.
Venue sur ce blog grâce à la pub de Silver je découvre ici un magnifique texte écrit d'une main de maitre retraçant une idée qui à sans doute germer dans beaucoup d'esprits en écoutant les informations... Merci
Emialys
PS : La musique s'accorde réellement bien avec ce texte !!! Bon choix !
Merci les gens!
Comme bien souvent avec tes textes, je me suis pris une claque. Violente, celle-ci.
Très joli texte !
Enregistrer un commentaire