vendredi 10 avril 2009
Controlling Crowds
Une tasse de café tiède à la main, je m'assieds sur le rebord de la fenetre, dos au chambranle, la tête posée contre la vitre. Dieux, ce que je déteste être réveillée par les défilés... Il faut toujours qu'ils passent sous mes fenêtres à des heures totalement indues. Instinctivement, je me recule et me cache derrière les rideaux alors qu'un véhicule de la FDAT passe de l'autre côté de la rue. Force de Dissuasion Anti-Terroriste, mon cul oui. Ils tirent à l'aveugle sur tout ce qui bouge et expliquent que les victimes complotaient contre l'Etat.
-Ca se passe comment?
Tu râles quelques secondes en cherchant un pouf pour t'asseoir, on ne tient pas à deux sur le rebord de la fenêtre.
-Jusque là, ça va.
Tu as dû te faire un café aussi, l'odeur d'arabica emplit l'air. Est-ce qu'il nous reste beaucoup de café? ... Je ne sais plus. On devrait se calmer sur les tasses matinales, le café est le nouvel or noir, une denrée très chère au marché noir...
Vingt cinq mètres plus bas, les troupes continuent leur parade. Au moins nous ne sommes pas obligés d'aller les acclamer. Ils nous réveillent juste avec leurs pas cadencés et leurs trompettes lugubres à cinq heures dix du matin...
-Ton café à l'air froid, tu veux le mien?
-Non, merci. Je ferai rechauffer le mien plus tard.
J'entends les boules de polystirène du pouf grincer alors que tu te lèves. Ta tasse claque lorsque tu la poses sur le bureau.
-Fais-moi de la place.
-On ne tient pas à deux sur le rebord...
-Mais si.
Je me pousse un peu, gardant un oeil sur une camionette du FDAT. Tu t'installes derrière moi, passes une jambe de chaque côté de mon corps et resserres tes bras sur moi pour que je me calle contre ton torse. En bas, la 9ème compagnie passe, reconnaissables à leur uniforme rouge sang. Je sens les poils de mes bras se hérisser.
-C'est pas mieux là?
-Si, si... Dis, tu te souviens quand ça a commencé?
-... Quoi?
-Les défilés, la FDAT, la pénurie de café...
-Hm... non, pas vraiment. On ne devait pas être très vieux, peut-être quatre ou cinq ans... J'ai souvent l'impression que ça a toujours été comme ça. Il faut croire qu'on peut s'habituer à tout...
-Oui, il faut croire. Bon, j'vais aller chercher à manger. Puisque je suis levée, autant que j'aille faire la queue plus tôt...
-D'accord. Fais attention quand même. Tu sais qu'ils essaient souvent de s'en prendre aux défilés, surtout quand la FDAT est là...
-Oui, t'inquiètes pas. Je reviens, je t'aime.
Je te regarde vraiment pour la première fois depuis mon réveil, te fais un grand sourire en enfilant mon blouson et t'embrasse.
Dans l'escalier, je croise la vieille folle du cinquième, qui radote toujours au sujet d'un passé glorieux où il n'y avait pas de défilés, pas de FDAT et du café dans toutes les tasses le matin. Une folle.
Elle me regarde étrangement et m'adresse un sourire, le premier en 4 ans de voisinage.
-Bonne journée, mademoiselle.
-Merci, madame, à vous aussi.
Je dévale l'escalier en remontant mieux la fermeture éclair du blouson. Les marches et les murs tremblent en rythme avec le pas cadencé des soldats. Je sors de l'immeuble et arrive directement devant l'une des camionnettes du FDAT. J'adresse un sourire à la femme qui la conduit alors qu'elle me dévisage de l'autre côté de sa vitre blindée, puis me mets à marcher dans la rue, à côté du défilé.
La compagnie tourne au coin de la rue et je vérifie du coin de l'oeil qu'on ne peut plus me voir depuis la fenêtre de mon appartement.
En enfonçant mes mains dans mes poches, je prends une grande inspiration, emplissant mes poumons de l'air matinal.
Au fond de la poche droite, ma main recontre le boîtier. Presque sans réfléchir, je me mets à courir vers la 9ème compagnie, la compagnie rouge sang et, priant pour que la FDAT n'ai pas le temps de m'abattre, j'appuie brutalement sur le détonateur.
Il faut croire que moi, je ne pouvais pas m'habituer à tout.
[Ecrit direct sur Blogger, sans relecture (s'il y a des fautes, plaignez-vous à ma non-réveillitude). Inspiré par la chanson Controlling Crowds d'Archive. Oui, je m'inquiète pas mal en ce moment. Je prends tous les commentaires/critiques avec plaisir, ravissement et joie intense.]
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3 commentaires:
Oui, il y a des fautes, mais trop la tête dans le cul pour te faire un répertoire.
Sinon l'idée est bonne et le texte sympa, mais un peu court, c'est dommage... ça manque de détails, mais je saurai pas trop dire lesquels... 'fin voilà, mon avis constructif du matin. ^^
Bon! Un com, enfin.
J'adore ce texte. En fait, mes préférés de ta part sont ceux qui sont en dehors de 9L ou de toute intrigue (mais j'attends de lire TSQ), car tu n'as aucune limite, tu as juste une idée, un sujet, et tu crées des personnages, un monde, une ambiance sur cette idée. Je repense à ton texte du concours sur le bruit, l'un de tes meilleurs aussi, et tu l'as écrit sur seulement une idée. Je trouve ça admirable.
Mais je suis nettement plus endiablé par celui-là, déjà avec le morceau Controlling Crowds derrière c'est divin, ça donne directement l'ambiance et je me visualise le film. J'ai tout en tête, une ambiance froide, bleutée, sale, avec les costumes rouge sang de la compagnie qui ressortent suréellement... un peu comme la jaquette de Controlling Crowds en fait.
Ce que j'adore aussi c'est le fait que ça soit aussi court, rien n'est expliqué, la pénurie de café, la FDAT, les défilés... on ne peut qu'imaginer ce qui s'est passé depuis, ça laisse libre court à l'imagination et ça rend le texte incroyablement riche. Ma seule interrogation concerne le personnage principal, je n'arrive pas à le visualiser comme un homme ou comme une femme, ça me stresse un peu. Mais sinon... Le final est à tomber quoi. Je l'ai vu venir lors des dernières lignes et la façon dont tu décris ça, avec froideur et sobreté, est tout simplement superbe. On ne sait absolument rien de ce personnage qui se suicide, rien de cet univers, rien de la personne présente avec lui dans l'appartement... on vit juste le fragment avec intensité. En tout cas bravo. Tu devrais faire plus souvent des textes sur le rush en fait.
Absolument magnifique. Complètement dans ce monde qui m'habite, la musique reste la cerise sur ce gâteau sans espoir mais aux milles saveurs.
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