samedi 12 septembre 2015

Strangers 9 - E.


Je crois que si j’avais une capacité surnaturelle, j’aimerais pouvoir expérimenter le monde à travers les yeux et le corps d’une autre personne.
Juste, hop, sauter dans la conscience de quelqu’un et jouer les passagers silencieux pendant quelques heures.

Je pense que certains y verraient une sorte de curiosité malsaine (bon, ok, j’aimerais bien savoir ce que ça fait d’avoir un vagin, je l’avoue), mais plus que tout j’aimerais comprendre. Parfois je regarde les gens et je me sens tellement à côté de la plaque et si loin de leur façon d’appréhender le monde que je me demande si je n’ai pas loupé une upgrade entre ma vie précédente et celle-ci.
Autour de moi on tombe amoureux à tous vas, on se jette dans l’inconnu sans hésitation, on se met en danger, on désire, on s’engage, on persévère, on saute en parachute ou à l’élastique ou les deux pieds dans le plat. Parfois je regarde les gens et je me demande si nous sommes vraiment de la même espèce. Non pas que je les observe avec condescendance, tout l’inverse. Je les envie. Je les envie si fort. Et je ne les comprends pas. J’aimerais les comprendre. J’aimerais être comme eux. Et ça m’énerve.

Ça m’énerve parce que j’ai toujours cette impression d’avoir loupé un truc quelque part, qu’une connexion ne se fait pas et que tout existe chez moi, mais juste moins intensément.
Je ne suis vraiment fan de rien, je m’accommode d’à peu près tout, je ne suis jamais super heureux mais jamais vraiment très triste, je me lasse vite et sans grands regrets.
J’aime les gens, de l’amour le plus pur que je puisse fournir, celui lacé d’admiration et de respect, mais quand je les entends parler de ce et ceux qu’ils aiment je comprends bien que je n’ai pas ce feu sacré.

Ma vie manque de profondeur.
Je crois que je suis né sans passion.

[Et bon weekend à tou-te-s]

 

3 commentaires:

Jaja a dit…

J'aime beaucoup, même si ça me renvoie à une période de ma vie que j'ai plutôt envie d'oublier. Cette impression d'avoir été raté dans sa fabrication, ou du moins qu'une pièce a été oubliée, parce qu'on ne se passionne pour rien, que tout semble tiède… Je me reconnais bien dans cette envie de voir comment ça se passe dans la tête des autres, pas pour apprendre leurs petits secrets ni rien, mais juste pour voir ce que ça fait, et pouvoir comparer, essayer de repérer où ça coince chez soi. Et on a beau passer son temps à les observer, pas moyen, on continue d'avoir l'impression de passer à côté de sa vie.
D'ailleurs pour le coup ce Strangers me rappelle un peu L'Etranger de Camus, enfin même si E. est quand même moins mort à l'intérieur et qu'il voudrait désespérément changer. En fait E. est très différent de Meursault, mais j'sais pas, j'y pense sûrement parce que j'associe un peu trop ce bouquin à ces années-là justement.
Bref mon commentaire ne dit rien du tout de la forme… En fait si, en relisant le texte je me rends compte qu'il n'a pas le côté "perception sensorielle" des autres Strangers, et ça convient parfaitement.

Art W World a dit…

Très beau texte qui exprime parfaitement ce que certains d'entre nous ressentent face au monde extérieur, ce sentiment de décalage par rapport aux autres et à leur manière d'appréhender le monde, le plus drôle c'est que j'y pensais encore ce matin avant de tomber sur ce texte :-)

Anonyme a dit…

J'ai adoré ce texte, je me sens proche du narrateur bizarrement. Je ne me sens pas aussi vide mais depuis quelque temps c'st vrai que je me poses des questions. Et c'est un intéressant point de vu, puisqu'en général on écrit sur des passionnés.. continue d'écrire !