lundi 12 janvier 2015

Les méchants ne gagneront pas

Je n'ai rien écrit depuis longtemps mais Philippe Val a dit qu'il ne fallait pas laisser s'installer le silence et il faut que je parle à quelqu'un.
Alors je vais te parler à toi, ami-e, à toi, vague connaissance, et à toi, inconnu-e d'internet.

Quand je donnais des cours particuliers je me suis rendue compte qu'on n'apprend jamais aussi bien qu'en aidant quelqu'un à comprendre. Je vais donc essayer de te rassurer en espérant que cela me rassure aussi.
Nous avons vécu une semaine horrible. Mercredi dernier, des gens sont morts -non, ont été assassinés- pour avoir exercé librement et légalement leur métier. Ils ont été tués pour avoir caricaturé, fait rire, expliqué, offensé, ouvert des yeux et des esprits.  Et puis, alors qu'on essayait de comprendre, l'horreur a continué. Et d'autres personnes ont perdu la vie -non, se la sont vu arrachée- en direct sur toutes les chaînes de télé. Et nous avons eu peur. Et nous nous sommes sentis petits et seuls. Et dimanche, aujourd'hui, nous avons essayé de prouver que nous ne sommes pas petits, que nous ne sommes pas seuls.
Alors nous sommes descendus dans la rue.
Avec des amis, de la famille, des collègues. Et puis avec des inconnus, avec des trop connus et avec plein de gens différents. Avec des femmes voilées, des vieux monsieurs en kippa et des bébés métisses. Et ces petits groupes se sont dirigés vers le même endroit. C'est impressionnant à voir, une foule qui se dirige en petits groupes vers un même point invisible.

On a fini par tous se retrouver, comme un rendez-vous géant auquel chaque ami aurait sans prévenir invité un autre ami. On pensait être beaucoup parce qu'on ne voyait pas le bout de la foule. Mais on ne pensait pas être des millions. Des millions à applaudir les membres des forces de l'ordre lorsqu'ils passaient à proximité, des millions à scander "Liberté !", ... des millions de Charlie.

Il est 1h36 du matin et je viens de regarder la chronique de Gaspard Proust et j'ai pleuré pour la première fois depuis mercredi. Cet ascenseur émotionnel ne m'avait, je crois, pas encore laissé le temps d'être juste triste. Du coup, j'ai pleuré un bon coup et j'ai essayé de m'imaginer l'avenir : que va-t-on faire de cette unité, de cette fraternité ?
J'espère que nous n'allons pas nous laisser embobiner et accepter de réduire nos libertés par peur des autres. J'espère que nous n'allons pas retomber dans la méfiance et les préjugés. J'espère que nous allons rester calmes, respectueux, unis.
Je ne sais pas vous, mais je compte bien me battre pour faire de cette tragédie la première pierre d'un monde meilleur.

On a l'air d'être des millions à vouloir être libres.

Alors je me dis que les méchants ne gagneront pas.



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