samedi 21 août 2010

Strangers 4 - L.


La porte du bar derrière moi s'ouvre puis se referme, laissant filtrer des éclats de voix sur fond de musique à la mode.
J'attends là depuis vingt-cinq minutes. Le grand videur black ne me lance même plus un regard. Après m'avoir demandé si je souhaitais rentrer, il m'a aimablement suggéré de me décaler de devant l'entrée, pour des raisons de sécurité. Depuis, je lui suis devenu invisible. Je suis juste un mec qui attend sous la flotte.
Je tâte mes poches, ayant envie d'une clope, mais je ne trouve ni mon briquet ni mon paquet de Marlboro. Cette pluie est un tantinet agaçante, mais bon. Je lève la tête, histoire de voir à qui j'ai affaire. Elle rend même le ciel noir; alors que tous ceux qui ont déjà vécu dans une grande ville savent que le ciel n'est jamais noir. Même en pleine nuit, la ville, elle, ne dort jamais.
Sur les immeubles luisants d'eau, les reflets des néons dessinent des motifs colorés. Je suppose que la pluie compense la noirceur comme elle peut.

J'attends toujours. L'eau s'infiltre dans mes chaussures, elles font ce bruit spongieux de tissus gorgé de liquide quand j'agite les orteils.
Je suis trempé et je commence à avoir vraiment froid, mais je reste là, par acquis de conscience. J'ai déjà attendu une demi-heure de toutes façons, je ne suis plus à quelques semaines près.
J'entends le videur s'approcher, le pauvre doit tellement s'ennuyer.
-Eh, monsieur. Vous êtes sûr que vous ne voulez pas rentrer? Ou au moins vous mettre sous l'abri bus? Vous allez tomber malade là, avec toute cette flotte...
Je lui adresse un grand sourire (après tout, c'est quand même très gentil à lui de s'inquiéter comme ça) et lui dit que non, je suis bien là. J'agite les orteils, juste pour lui prouver que tout roule. Il hoche la tête et retourne en courant s'ennuyer sous son porche.

J'observe les lumières des immeubles. Les néons clignotent presque en rythme, les lumières aux fenêtres s'allument et s'éteignent. Il y a là une danse que personne ne voit jamais, parce que personne ne reste sous la pluie pour l'observer. Pourtant, le spectacle est agréable.

C'est bien triste que personne ne prenne le temps de mouiller ses chaussettes de temps à autres.

Le bus 57 s'arrête devant moi. Je prends ça comme un signe et monte à bord. Je peux bien continuer à attendre où je veux, après tout

J'attends donc assis dans le bus, la ville défilant sous mes yeux. Ses lumières joyeuses s'agitant pour moi seul. Je dégouline sur le sol et une petite rivière se forme, coulant vers l'avant du véhicule.

Et moi, patiemment, j'attends.

2 commentaires:

Wido a dit…

J'adore. °_°

Nine a dit…

@ Wido: Et moi j'adore les commentaires! Merci!