lundi 22 juin 2009

Breathe me



C'est un de ces moments qui vous marquent à vie. Un de ceux qui encore des années plus tard restent vivides dans votre esprit. Une marque au fer rouge.
Ce genre de moment commence toujours d'une façon totalement anodine.
Je ne dérogeais pas à la règle, je prenais ma douche.

La journée harassante que je venais de passer, à hurler sur mes subalternes, glissait sur ma peau, emportée par l'eau. C'était une douche comme une autre, comme des centaines, des milliers d'autres.
L'élément perturbateur entra en jeu de façon anodine, désinvolte. La bouteille de shampoing était vide.
C'est le genre de chose qui arrive tous les jours à des milliers de personnes à travers le monde. Et sur ces milliers d'individus, plusieurs centaines eurent la même réaction que moi et tendirent la main à l'aveuglette pour saisir un nouveau flacon sur l'étagère.
Combien de dizaine n'eurent comme moi qu'un flacon quasiment vide?
Qui d'autre que moi ne tomba pas sur un flacon mais sur un souvenir?

Inconsciente du drame qui se tramait, je tapais le fond de la bouteille afin de faire sortir le peu de shampoing restant. Le parfum de vanille mis du temps à atteindre mes sens, mais lorsqu'il finit par le faire, ce fut pour me frapper comme la foudre.
Je restais immobile quelques secondes. Pétrifiée par cette odeur. Et soudain mes jambes lâchèrent.

Je me retrouvais assise dans ma douche, sous une pluie battante, tenant dans ma main gauche recroquevillée le dernier vestige de toi.

Combien d'années avaient passé? Combien de douches avais-je pris, ignorant ce vieux flacon? Combien de fois étais-je passée à côté de ce qu'il me restait de nous?

Avachie contre la paroi, le mur de carrelage me glaçant le dos, je me souvenais soudain de tout. De nos douches après l'amour. De ma manie de te laver les cheveux. De cette odeur si particulière qu'avait la vanille sur toi. De nos après-midi à paresser au lit, mon nez enfoui dans ton cou. Des heures, des jours, des semaines après ton départ. De l'oreiller qui perdait ton odeur. De la vie qui perdait son intérêt. De moi qui perdais le fil du temps.

Les semaines, les mois, les années à t'oublier. A ne plus te chercher dans les silhouettes que je croise. A ne plus espérer. A ne plus vivre.

A attendre de sentir l'odeur de la vanille sous une pluie battante.


[Je vous avais promis un texte. L'inspiration frappe parfois de drôles de façons.]

3 commentaires:

Maky a dit…

Alors ça, j'aime ! Ca se passe de tout autre commentaire. C'est... :insérezsmileyquifondici*

Silver a dit…

... Eh bien. Je voudrais faire un long commentaire mais comme Maky, je ne trouve rien à dire... Si ce n'est que ta façon d'écrire est quand même l'une des plus belles que je connaisse.

Jacob a dit…

Tu m'ennerfes.
Tu racontes mieux que moi.

C'est bô. Ca sonne très vrai.